Performance sous casque pour 8 voix et électronique
Luciano Berio et Sébastien Roux / Joris Lacoste et Hyoid Voices
Dans ce « théâtre d’oreille », la théâtralité est proprement interne à l’expression vocale. C’est dans les mouvements de la parole chantée, dans la tension entre l’articulation vocale et le sens, dans le jeu des registres les plus hétérogènes, dans les rapports d’harmonie et d’accompagnement, que se situe tout le « théâtre ». Chaque spectateur est muni d’un casque d’écoute individuel, et déambule au milieu des chanteurs, qui interprètent la pièce de Berio. Cette expérience unique offre un regard sur l’œuvre propre à chaque spectateur selon ses déplacements sur scène.
L’A-RONNE DE BERIO
Berio a écrit deux versions d’A-Ronne. La première, pour cinq acteurs, a été créée aux Pays-Bas en 1974, tandis que la seconde version, pour huit voix, a été créée à Liège l’année suivante.
Luciano Berio a conçu A-Ronne comme une sorte de documentaire musical qui s’ap-puie sur un texte en six langues différentes d’Edoardo Sanguineti. Le compositeur italien y mêle des extraits et des allusions à une foule d’autres textes : traductions de la Bible, de La Divine Comédie de Dante, du Faust de Goethe, du Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels, ou encore des bribes de textes de Roland Barthes.
Luciano Berio procède par dissection, analyse, décomposition et recomposition des voix de « A » jusqu’à « Ronne » (« Ronne » étant la dernière lettre de l’ancien alphabet italien, après « Z », « Ette » et « Conne »). Les situations ainsi répertoriées autour du poème d’Edoardo Sanguineti déclinent une palette de jeux et d’expressions, à la manière d’une peinture vocale naïve. L’éventail des situations proposées ramène toujours à une situation élémentaire, à des sentiments et à des états d’âme reconnais-sables, familiers et souvent manifestes.
« Le texte parfois s’efface pour laisser place aux phonèmes, éloignant le sens au profit de la valeur son du mot : ‘la relation entre les deux niveaux (grammatical et acoustique) est l’essence des infinies possibilités du parlé et du chant humains’, déclarait le compositeur à l’adresse d’A-Ronne, originellement prévu pour une diffusion radiophonique. » – Michèle Tosi, Resmusica, 22.09.2023.
LE DISPOSITIF
Une telle pièce radophonique et vocale ne pouvait mieux se prêter au jeu d’une écoute sous casque, permettant une libération des cadres figés de la scène.
Chaque spectateur, muni d’un casque sans fil, est plongé dans une expérience à la fois collective et individuelle de l’écoute, et peut se déplacer librement dans l’espace. Les chanteurs d’HYOID voices, également « casqués », viennent se mêler au public, se déplacent dans des mouvements chorégraphiés. Ils surgissent ou disparaissent, se regroupent ou se dispersent, dans une danse de lumières colorées ou sombres. Le public n’est plus séparé du jeu du spectacle, il y participe pleinement.
Le recours au casque ouvre le champ des possibles, et notamment les types de lieux de représentation : A-Ronne peut être donné, non dans des théâtres ou scènes conventionnels, mais dans de grands espaces inhabituels comme des hangars vides ou des parkings souterrains.
Luciano Berio / Sébastien Roux – compositeurs
Joris Lacoste – direction artistique et mise en scène
Claire Croizé – chorégraphe et assistante à la mise en scène
Filip Rathé – direction musicale
Hyoid voices – Esther Rispens, Naomi Beeldens, Ellen Wils, Fabienne Seveillac, Andreas Halling, Eymeric Mosca, Arnout Lems, Pascal Zurek
Florian Leduc – lumières et scénographie
Fabienne Seveillac – co-conception artistique